Quelles difficultés d’accès des ménages les plus pauvres au parc social ?

Rapport au Défenseur des droits

Publié le

27 juin 2023

Modifié le

23 mars 2024

Mots clés

logement social, attribution, discrimination, xgboost

Résumé

À partir de l’exploitation d’une version inédite des données du Système national d’enregistrement de la demande (SNE), et de techniques économétriques avancées basées sur le machine learning et le ré-échantillonnage, une reconstruction de l’offre disponible a été réalisée, afin de qualifier et de quantifier l’impact du niveau de ressources des ménages sur leur probabilité d’accéder au parc social. L’analyse des taux d’attribution par tranches de niveau de vie confirme les difficultés d’accès des ménages les plus pauvres. Si les demandeuses et demandeurs les plus pauvres ont accès à un parc de logements plus réduit, notamment en zones tendues, cela ne suffit pas à expliquer leur plus faible probabilité d’attribution par rapport à l’ensemble des demandeurˑseˑs. Une fois contrôlées l’offre disponible mais aussi les caractéristiques des ménages (composition familiale, motif de la demande, priorisation du dossier, nombre d’enfants, nationalité, statut vis à vis de l’emploi, localisation de la demande…), les chances d’obtenir un logement social augmentent avec le niveau de vie dans la plupart des EPCI.

1 Introduction

Au 1er janvier 2022, la France comptait 5,3 millions de logements sociaux soit 700 000 logements de plus que 10 ans auparavant. Historiquement, le parc social a eu deux tendances : l’universalisme (offrir un logement à tous les ménages modestes) et la résidualisation (se concentrer sur les plus modestes) (Houard, 2010). Ces dix dernières années, la tendance à la résidualisation de l’ensemble du parc (appuyée par des politiques telles que Loi Egalité Citoyenneté) s’est accompagnée du développement d’une offre neuve plutôt à objectif universel (en contradiction avec cet objectif).

Sur longue période, on observe une paupérisation importante des locataires du parc social. Un tiers des locataires en place vivent sous le seuil de pauvreté, proportion deux fois plus importante que celle observée pour la population générale. En outre, la part des ménages du 1er quartile de niveau de vie y a doublé en 40 ans. Cette paupérisation est alimentée à la fois par une plus grande précarité des ménages en place mais également par un accueil de plus en plus important de demandeur·euse·s parmi les plus modestes.

Pour autant, de nombreuses études ont mis en évidence un accès entravé des ménages modestes au parc social. En 2012, Liliane Bonnal et ses coauteurs ont mis en évidence des durées d’attente plus longues pour les ménages modestes (Bonnal, Boumahdi et Favard, 2012). En 2017, la Cour des comptes notait qu’en moyenne les demandeur·euse·s de logements sociaux avaient une chance sur 3,91 d’obtenir un logement alors que pour les ménages sous le seuil de pauvreté ce rapport de chance était d’une chance sur 4,25 et pour les ménages en grande précarité de logement celui-ci atteignait une chance sur 5,92 (Cour des Comptes, 2017). En 2018, la Fondation Abbé Pierre pointait qu’alors que les demandeur·euse·s déclarant moins de 500€/mois de niveau de vie1 représentaient 15% des demandeur·euse·s, ces dernier·es ne pesaient que 10% des attributions de logement (Fondation Abbé Pierre, 2018). Ce décalage entre le profil des demandeur·euse·s et celui des attributaires était également mis en lumière par l’ANCOLS2 en 2022 qui notait qu’alors que les ressources des demandeur·euse·s se situaient majoritairement sous les plafonds PLAI3 les logements attribués se situaient eux en majorité à des niveaux de financements de type PLUS4 (Ancols, 2022).

1 Le niveau de vie est défini comme le revenu disponible (après impôt et en incluant les prestations sociales) divisé par les unités de consommation. Les unités de consommation suivent l’échelle d’équivalence et attribue 1 au premier adulte, 0.5 par adulte suivant et 0.3 par enfant de moins de 16 ans.

2 Agence Nationale de Contrôle du Logement Social, www.ancols.fr

3 Logements donc la construction est financée par le Prêt locatif Aidé d’Intégration destiné aux locataires en grande précarité.

4 Logements dont la construction est financée par le Prêt Locatif à Usage Social, les locations Habitation à Loyer Modéré (HLM).

Nous retenons dans cette étude une vision relativement large de ce qui constitue le parc (et le flux) de logements sociaux en France. En effet, il n’existe pas un mais des logements sociaux avec pour chacun d’eux des plafonds de loyers et de ressources, et donc des publics logés, qui peuvent différer sensiblement.

Tout d’abord, pour un même année de production, le loyer d’un logement social va dépendre de sa surface, du territoire sur lequel il est construit et de son mode de financement, c’est à dire du type de prêt aidé dont il a bénéficié. Il en existe 4 principaux : le Prêt Locatif Aidé d’Intégration (PLAI), le Prêt Locatif à Usage Social (PLUS), Prêt Locatif Social (PLS) et le Prêt Locatif intermédiaire (PLI). A titre d’exemple, en 2022, pour être éligible à un logement financé par un PLAI, les ressources du ménage ne devaient pas dépasser 12 000 euros par an, hors Ile-de-France. Ce plafond était de 22 000 euros par an pour un logement PLUS, de 28 500 euros par an pour un logement PLS et de 30 700 euros pour un logement PLI.

En 2021, les logements sociaux type PLAI représentaient 6% du parc social, les PLUS financés avant 1977 représentaient 43% du parc, les PLUS d’après 1977 représentaient 41% du parc, les PLS 6% du parc et les PLI 3% du parc.

En outre, le loyer dépend également de l’année de production du logement : un logement PLAI construit il y a 20 ans n’a pas le même loyer qu’un logement financé par un PLAI en 2022.

Cette forte hétérogénéité dans le parc social rend l’analyse des données du SNE complexe d’autant plus quand on y intègre une dimension territoriale fine.

2 Méthodologie

En 2020, une recherche inédite mené par un groupe inter-associatif et appuyé par des chercheur·e·s a tenté d’objectiver et de caractériser les mécanismes d’exclusion, à l’œuvre dans le système d’attribution des logements du parc social, qui en bloquent l’accès aux ménages à faibles ressources (Portefaix et al., 2020). L’analyse s’intéresse avant tout à la question du poids donné au critère de solvabilité des demandeur·euse·s dans l’accès au parc social. Une approche statistique, fondée sur l’exploitation des données enregistrées dans le SNE5, aborde ainsi les caractéristiques de la demande de logements sociaux et leur influence sur les taux d’attribution selon le niveau de revenu des demandeur·euse·s. Cette analyse montre que, jusqu’à un certain niveau de ressources, les chances de succès de la demande augmentent lorsque les ressources des demandeur·euse·s augmentent. Alors que le parc social a vocation à corriger les phénomènes d’exclusion du marché du logement, ce dysfonctionnement dans le système d’attribution est causé simultanément par un effet structurel lié à la répartition de l’offre et aux niveaux des loyers des logements sociaux, et par les pratiques des acteurs du système d’attribution.

5 Système National d’Enregistrement des demandes de logement social.

L’analyse des difficultés rencontrées par les demandeur·euse·s à faibles ressources pour accéder au logement social confirme l’existence de processus d’exclusion d’une partie d’entre eux lors de la désignation des candidat·e·s à la commission d’attribution et au moment de l’attribution du logement. Ces analyses se fondent sur une enquête auprès des intermédiaires associatifs qui accompagnent les ménages dans leurs démarches d’accès au parc social et sur des entretiens avec les parties prenantes du système d’attribution, sur cinq territoires d’étude aux contextes politiques, sociaux et immobiliers différents. Ils permettent de tirer des enseignements certes contextuels et partiels, mais qui apportent néanmoins des connaissances cruciales sur les dysfonctionnements globaux du système d’attribution, analysé sous l’angle particulier des ressources des demandeur·euse·s.

Notre étude s’inscrit dans le prolongement de ces travaux. Son objectif est à la fois de mettre à jour les résultats quantitatifs mis en lumière mais surtout de les étayer à travers notamment l’exploitation d’informations complémentaires sur les demandeur·euse·s. Pour ce faire, nous mobilisons une version inédite des données du système national d’enregistrement de la demande de la logement social (SNE).

Il centralise l’ensemble de la demande de logement social et ses caractéristiques ainsi que l’ensemble des attributions réalisées au cours de l’année précédente et les caractéristiques des ménages demandeur·euse·s. Dans le cadre de cette étude, nous avons eu accès à la base de données « exhaustive » du SNE rassemblant l’ensemble des demandes et l’ensemble des attributions de logement social sur longue période. Cette base regroupe l’ensemble des caractéristiques des demandeur·euse·s en mars 2022, telles qu’accessibles par les organismes décisionnaires de l’attribution de logement.

Nous limitons notre analyse à la période allant de mars 2021 à mars 2022, date de l’extraction de la base de données, afin de limiter la taille de notre population d’analyse et de conserver une cohérence des données entrées dans le SNE. En effet, le SNE est mis à jour au fur et à mesure des nouveaux dossiers ou de leur modification, sans qu’une archive ne soit conservée.

Pour la période retenue, la base de donnée compte 3,4 millions de demandes de logement social. Parmi ces demandes, 2 288 679 sont toujours actives en mars 2022. Au cours des 12 mois écoulés, 47 840 demandeur·euse·s ont abandonné leur demande, 717 374 ne l’ont pas renouvelée et 391 484 attributions de logements ont été réalisées. Par la suite, nous comparerons ces demandeur·euse·s, appelé.e.s « attributaires », aux 3 millions de demandeur·euse·s étant « passé·e·s » par le SNE entre mars 2021 et mars 2022 mais auxquels aucun logement n’a été attribué sur la période (Tableau 1).

Tableau 1. Effectifs du SNE pour la période allant de mars 2021 à mars 2022
Modalités Non attrib.
N:3M
(88%)1
Attrib.
N:425k
(12%)1
Niveau de vie (€/mois)

    - de 500€ 336,463<br>(11%) 30,732<br>(7.2%)
    500€-600€ 186,937<br>(6.1%) 23,215<br>(5.5%)
    600€-700€ 164,980<br>(5.4%) 26,021<br>(6.1%)
    700€-800€ 160,061<br>(5.3%) 24,809<br>(5.8%)
    800€-900€ 196,430<br>(6.4%) 28,614<br>(6.7%)
    900€-1000€ 278,125<br>(9.1%) 40,896<br>(9.6%)
    1000€-1100€ 211,337<br>(6.9%) 32,879<br>(7.7%)
    1100€-1200€ 180,564<br>(5.9%) 29,440<br>(6.9%)
    1200€-1400€ 380,133<br>(12%) 59,445<br>(14%)
    1400€-1600€ 329,946<br>(11%) 50,328<br>(12%)
    1600€-1800€ 224,474<br>(7.4%) 32,179<br>(7.6%)
    1800€-2000€ 143,157<br>(4.7%) 18,768<br>(4.4%)
    2000€ et + 255,695<br>(8.4%) 27,646<br>(6.5%)
Motif de la demande

    Autres 56,138<br>(1.8%) 2,528<br>(0.6%)
    Difficultés financières 421,614<br>(14%) 46,119<br>(11%)
    Logement inadapté 907,179<br>(30%) 130,377<br>(31%)
    Logement indisponible 206,364<br>(6.8%) 38,622<br>(9.1%)
    Logement insalubre 212,565<br>(7.0%) 27,951<br>(6.6%)
    Motif familial 450,656<br>(15%) 73,680<br>(17%)
    Motif professionnel 196,072<br>(6.4%) 27,760<br>(6.5%)
    Non renseigné 403,505<br>(13%) 58,353<br>(14%)
    Sans logement 142,807<br>(4.7%) 8,309<br>(2.0%)
    Violence 51,402<br>(1.7%) 11,273<br>(2.7%)
Mode de logement actuel

    Autres 1,346,313<br>(44%) 199,738<br>(47%)
    Locataire HLM 174,759<br>(5.7%) 9,002<br>(2.1%)
    Locataire Parc privé 860,051<br>(28%) 105,997<br>(25%)
    Logé chez un tiers (parents ou autres 667,179<br>(22%) 110,235<br>(26%)
En couple

    Non 2,478,409<br>(81%) 341,634<br>(80%)
    Oui 569,893<br>(19%) 83,338<br>(20%)
Présence d'enfant

    Non 1,737,957<br>(57%) 216,258<br>(51%)
    Oui 1,310,345<br>(43%) 208,714<br>(49%)
Commune souhaitée

    commune diff 1,251,235<br>(43%) 159,832<br>(44%)
    Même commune 1,646,651<br>(57%) 203,588<br>(56%)
    Unknown 150,416 61,552
EPCI de la demande

    Aix-Marseille Provence 113,273<br>(3.7%) 9,548<br>(2.2%)
    Autres EPCI 1,824,176<br>(60%) 307,846<br>(72%)
    Bordeaux 56,390<br>(1.8%) 7,380<br>(1.7%)
    Grand Paris (hors Paris&PC) 371,444<br>(12%) 29,570<br>(7.0%)
    Lille 77,275<br>(2.5%) 10,714<br>(2.5%)
    Lyon 97,398<br>(3.2%) 8,542<br>(2.0%)
    Montpellier Méditéranée 36,132<br>(1.2%) 3,352<br>(0.8%)
    Nantes 47,400<br>(1.6%) 6,020<br>(1.4%)
    Nice Côte d'Azur 30,574<br>(1.0%) 2,324<br>(0.5%)
    Paris 212,040<br>(7.0%) 12,765<br>(3.0%)
    Plaine Commune 42,502<br>(1.4%) 2,891<br>(0.7%)
    Rennes 28,963<br>(1.0%) 4,493<br>(1.1%)
    Rouen Normandie 29,615<br>(1.0%) 7,479<br>(1.8%)
    Strasbourg 30,913<br>(1.0%) 3,672<br>(0.9%)
    Toulouse 50,207<br>(1.6%) 8,376<br>(2.0%)
1 n
(%)

Afin de mettre en évidence les difficultés d’accès spécifiques aux ménages modestes, nous procéderons en trois temps.

Dans un premier temps nous analysons de façon purement descriptive les différences de niveaux de vie entre ménages demandeurs et ménages attributaires. L’avantage de cette première approche est qu’elle permet une vision d’ensemble et sans a priori quant à l’accès des ménages les plus pauvres au parc social. L’un des inconvénients à cette approche réside en l’absence de contrôle de l’effet des autres variables pouvant avoir une influence sur la probabilité d’accès au parc. C’est le cas des caractéristiques propres aux ménages (motif de la demande, composition familiale, …) mais également des caractéristiques locales de la demande (Voir Section 6 pour la prise en compte de la tension).

Dans un second temps, nous proposons donc une modélisation de la probabilité d’accès au parc social, par tranche de niveau de vie. Cette méthode permet un raisonnement toutes choses égales par ailleurs. Il est en effet probable que des taux d’attribution plus bas dans le bas de la distribution soient en réalité révélateurs de caractéristiques différentes des demandeur·euse·s. Si par exemple les familles monoparentales sont sur-représentées au sein des ménages modestes et que ces dernières éprouvent des difficultés particulières à accéder au parc, nous devrions y observer des taux d’attribution plus bas alors même que la faiblesse du niveau de vie n’est ici pas en cause. Par contre, cette première phase économétrique ne renseigne que de façon imparfaite les interactions possibles entre variables. Pour reprendre notre illustration précédente, si ce n’est pas le fait d’être « pauvre » ou « une famille monoparentale » qui dégrade la probabilité d’accès au parc mais le fait de cumuler ces deux caractéristiques, le modèle linéaire mobilisé (logit linéaire) ne le met pas en évidence.

Afin de mettre en évidence ces possibles interactions nous mettons dans un dernier temps en œuvre une modélisation non linéaire de la probabilité d’attribution en utilisant un algorithme de machine learning. Cette méthode permet à la fois de révéler des effets marginaux « ignorés » par l’approche linéaire mais également d’intégrer plus de variables explicatives à notre modèle.

3 Des demandeur·euse·s pauvres plus nombreux·euses dans la demande que dans les attributions

L’observation des distributions de niveaux de vie des demandeur·euse·s et des attributaires fait apparaître un décalage entre les profils des deux catégories. Les demandeur·euse·s déclarant moins de 600 euros de niveaux de vie semblent sous représenté·e·s chez les attributaires par rapport à la place qu’ils ou elles occupent au sein de la demande (Figure 1). En lien avec les résultats produits par la Fondation Abbé Pierre en 2018, il ressort de l’exploitation du SNE sur la période mars 2021-mars 2022 que les demandeur·euse·s déclarant moins de 600 euros de niveau de vie mensuel représentent 16,6% des demandeur·euse·s étant passé·e·s par le SNE sur la période contre seulement 12,6% des attributions réalisées. A contrario, les niveaux de vie entre 600 et 750 euros et entre 1 000 et 1 500 euros semblent sur représentés au sein des attributaires. Pour cette dernière catégorie, ils représentent 30,7% des demandeur·euse·s mais 34,5% des attributaires.

Figure 1. Distribution des niveaux de vie des demandeur·euse·s et des attributaires

Ce diagnostic, posé à l’échelle nationale, s’observe, de façon plus ou moins marqué, à l’échelle intercommunale (Figure 2). Dans les métropoles les importantes, la courbe de densité des niveaux de vie des attributaires est la plupart du temps décalée vers la droite par rapport à celle des demandeur·euse·s, autrement dit, les attributaires semblent plus riches que les demandeur·euse·s.

Figure 2. Distribution des niveaux de vie des demandeur·euse·s et des attributaires par EPCI

La Figure 3 illustre d’une manière alternative cette sous-représentation des faibles niveaux de vie puisqu’elle compare, par tranche de niveau de vie et par EPCI, la part des attributaires et la part des demandeur·euse·s. Les tranches de niveaux de vie les plus faibles représentent une part dans les attributions de logements bien plus faibles que leurs poids respectifs dans la demande de logement social.

Figure 3. Différence entre la part dans les attributions et la part dans les demandes, par tranche de niveau de vie et par EPCI

4 Des « taux d’attribution » plus faibles pour les ménages plus modeste

L’analyse des taux d’attribution par tranche de niveau de vie confirme une fois encore les difficultés mises en lumière par les premiers éléments descriptifs (Figure 4). Au niveau national, les ménages déclarant moins de 500 euros par mois et par unité de consommation sont ceux connaissant le taux d’attribution le plus faible (inférieur à 12%).

Ceux déclarant entre 500 et 600 euros de niveau de vie enregistrent un taux d’attribution (rapport du nombre d’attributaires et du nombre de demandeur·euse·s ayant connu une inscription au SNE au cours des 12 mois étudiés) de l’ordre de 15%. Les tranches de niveaux de vie supérieures voient eux leurs taux d’attribution osciller entre 17% et 19%.

Figure 4. Taux d’attribution par tranche de niveau de vie

Bien que les hétérogénéités territoriales soient importantes, ces difficultés particulières des ménages modestes à accéder au parc social émergent dans l’ensemble des territoires analysés qu’ils connaissent des taux d’attribution globalement faibles (Paris, Lyon, Métropole du Grand Paris, Métropole de Nice) ou plus élevés (Métropole de Rouen, de Lille ou encore de Strasbourg) (Figure 5).

En moyenne, le taux d’attribution dans la métropole du Grand Paris (hors Paris et Plaine Commune) est de 8%. Celui des demandeur·euse·s ayant un niveau de vie de moins de 600 euros est inférieur à 5%. Dans la métropole de Rouen, qui enregistre un taux d’attribution moyen bien plus élevé (20%), les ménages ayant un niveau de vie inférieur à 600 euros accusent eux un taux d’attribution plus faible (17%).

Figure 5. Taux d’attribution par tranche de niveau de vie et par EPCI

Ces premiers éléments descriptifs sont à interpréter avec prudence. Ici, les autres caractéristiques des ménages ne sont pas prises en compte. Certes, les résultats territorialisés battent en brèche l’idée que les demandeur·euse·s les plus modestes seraient concentrés dans les zones les plus en tension ce qui, de fait, réduirait leur chance d’accéder au parc social. Néanmoins, il reste possible que les demandeur·euse·s du bas de la distribution des niveaux de vie soient très différents des autres demandeur·euse·s, en termes de composition familiale, de motif de la demande ou encore de mode de logement (plus de locataire du parc social par exemple). Pour contrôler de ces effets, il convient de mettre en place une régression linéaire (un logit).

5 Des difficultés d’accès qui persistent « toutes choses égales par ailleurs »

Dans le cas présent, la variable à expliquer étant binaire (se voir attribuer un logement ou non) nous mettons en place une régression de type logistique (logit) en transformant la probabilité d’attribution en chance d’attribution ( p/(1-p) ) et en considérant les chances comme multiplicatives (ou additives en prenant le logarithme de la chance, c’est-à-dire le logit de la probabilité d’attribution).

La régression logistique permet d’inclure plusieurs variables explicatives dans le modèle. Ici, nous définissons comme variables explicative de la probabilité d’attribution (p_{attrib}) : le niveau de vie en tranche (ndv~tr), le motif de la demande (motif), l’EPCI de la demande (EPCI), la composition familiale (compo) et le mode de logement actuel (modelog). Le modèle peut être écrit de la forme suivante (i désigne les demandeur·euse·s, u_i est un bruit normal) :

\begin{split} logit(p_{attrib, i}) =& β₀ + β₁.ndv~tr_i + β₂.motif_i +\\ & β₃.epci_i + β₄.compo_i + β₅ . mode~log_i + u_i \end{split}

L’effet du niveau de vie sur la probabilité d’attribution est donné par le cœfficient \beta_1. Le modèle permet de calculer, par tranche de niveau de vie, la probabilité d’attribution moyenne, c’est à dire celle qui correspond à une composition familiale « moyenne », un motif « moyen », etc.

En moyenne, toutes choses égales par ailleurs, les demandeur·euse·s au niveau de vie les plus bas enregistrent toujours une probabilité d’attribution plus faible. Pour les demandeur·euse·s déclarant moins de 500 euros de niveau de vie mensuel celle ci est de 7.5% (Figure 6). Pour la tranche de niveau de vie supérieure, elle est de l’ordre de 10%. Elle atteint plus de 11% pour les ménages des 3 tranches supérieures, des différences statistiquement significatives. Autrement dit, la composition familiale, le motif de la demande, l’EPCI de celle-ci ou encore le mode de logement actuel n’épuisent pas l’effet négatif du niveau de vie pour les demandeur·euse·s les plus modestes.

Figure 6. Probabilité d’attribution moyenne estimée par tranche de niveau de vie

Il persiste néanmoins des limites à notre analyse. L’une d’elle est que si nous prenons en compte l’EPCI de la demande, nous n’isolons pas spécifiquement un possible effet de la composition du parc de logements au niveau des communes. Autrement dit, si la variable EPCI nous renseigne sur des possibles effets territoriaux, elle ne dit rien sur le nombre de logements disponibles à l’échelle communale ni sur de possibles tensions spécifiques liées à la structure du parc de logements disponibles.

Par exemple, il est possible que dans certaines communes, le parc de logement « très » sociaux disponibles soit insuffisant pour accueillir les demandeur·euse·s les plus modestes. Soit du fait d’un taux de rotation trop faible sur ce type de logement soit du fait d’un production insuffisante. Dès lors, les difficultés d’accès que nous mesurons seraient liées à une « incapacité » locale à loger les ménages les plus pauvres.

Afin de mieux appréhender ces possibles spécificités locales nous construisons un « indicateur de tension » pour chaque logement et chaque demande de logement de la période retenue.

6 La question de l’offre de logement disponibles

La tension économique se définit à partir de la rareté d’un certain bien ; elle caractérise la difficulté d’accéder à ou d’acquérir un bien en raison de sa rareté relative. Cette notion se révèle particulièrement pertinente dans les situations où le prix est contraint ou régulé et ne suffit plus à rendre compte des difficultés d’accès ou d’acquisition sur le marché.

Pour estimer une tension, il faut commencer par lister pour chaque bien disponible les demandeur·euse·s éligibles. Dans notre cas, cela suppose d’apparier les demandes et les offres de logements sociaux en fonction des critères d’éligibilité généralement appliqués par les organismes. Il est alors possible d’estimer une probabilité « brute » de se voir attribuer un logement social, en mettant toutes les demandes au même niveau, en posant un « voile d’ignorance » sur les caractéristiques des demandeur·euse·s. Précisons chacune de ces étapes.

6.1 L’appariement

L’étape de l’appariement est plus délicate qu’il n’y paraît au premier abord car il ne s’agit pas simplement de compter les demandes valides pour un bien donné au temps t. Il faut s’abstraire de la distribution des logements sociaux qui a été effectuée sur une période donnée en définissant un ensemble d’autres possibilités de distribution.

Soyons plus explicite : considérons le cas d’un·e demandeur·euse qui s’est vu attribuer un logement très rapidement au début de la période d’étude. Ce cas se produit lorsque la demande est enregistrée alors qu’un logement est déjà « en vue » (voir plus loin). Si l’on effectue un appariement sur la base de ce qui s’est effectivement passé, cette demande n’apparaîtra pas comme demande pour tous les biens attribués après la date où celle-ci aura été satisfaite puisque, bien entendu, celle ci n’était effectivement plus active.

Mais un tel appariement ne va pas nous permettre de comprendre pourquoi cette demande a été satisfaite alors qu’elle n’apparaît éligible qu’à très peu de biens. Le problème est que l’on s’efforce de brosser des scénarios alternatifs de distribution et qu’il faut procéder à un appariement qui ouvre un espace pour d’autre possibles.

C’est pourquoi nous avons pris le parti de ne pas tenir compte de la dimension temporelle. Nous apparions toutes les demandes valides à un moment donné après le 1er mars 2021 avec tous les logements attribués au cours de la période située entre mars 2021 et mars 2022.

Une autre difficulté de cette étape d’appariement tient à la grande disparité entre les demandes : certaines semblent prêtes à accepter à peu près tout, n’importe où, tandis que d’autres posent des attentes précises et fortement sectorisées. Faut-il adopter ces critères subjectifs pour conduire l’appariement ? Probablement pas. Une famille qui, en détresse, se dit prête à accepter un studio ne se verra pas attribuer un simple studio par les organismes HLM ou les délégataires.

Le calcul que nous proposons de la tension s’appuie sur des attributions certes fictives, mais qui doivent rester pertinentes. Nous avons donc conservé des demandes qui apparaissait en général pertinentes aux yeux des organismes HLM. Nous avons ainsi construit une grille de correspondance entre la composition familiale et le logement attribué à partir de ce que l’on constate le plus fréquemment.

Nous avons également retenu un reste à vivre minimal (12 euros par jour et par unité de consommation) comme seuil au-delà duquel les demandes ne sont plus considérées comme solvables. Ce reste à vivre est calculé après versement des aides personnelles au logement que nous estimons par un mécanisme de maximisation c’est-à-dire que nous modélisons le loyer permettant à la fois de maximiser le montant d’aides personnelles perçues et de minimiser le taux d’effort des ménages.

La réglementation impose de ne pas considérer le reste à vivre mais de prendre en compte un taux d’effort. Cependant, un taux d’effort adapté à chaque niveau de vie revient à un reste à vivre qui nous paraît plus à même de décrire la prise en compte du niveau de vie. Enfin, nous avons décidé de limiter la demande à la première commune demandée, même s’il est possible de demander un logement social sur plusieurs communes en même temps.

Ce choix méthodologique tient d’abord au constat que ceux qui demandent plus de communes n’ont pas plus de chances de se voir attribuer un logement. Mais surtout, notre objectif est d’estimer une tension et il nous semblait plus pertinent d’estimer celle-ci sur la demande principale, en négligeant les seconds choix. Bien entendu, il arrive qu’une demande soit satisfaite dans une commune qui n’était pas le premier choix.

De même, certain·e·s demandeur·se·s peuvent obtenir des logements plus grands que ceux accordés habituellement, tout simplement parce qu’ils se trouvent dans une zone peu tendue sans demandeur·se plus « pertinent·e·s » qu’eux. De notre point de vue, ces cas particuliers ne suffisent pas à remettre en cause les critères que nous avons adoptés pour apparier l’offre et la demande.

En effet, ces critères nous servent à identifier un ensemble de demandes concurrentes pour un même bien, de manière à calculer une tension. Le fait que l’on observe ensuite des demandes satisfaites qui soient hors de nos critères signifie simplement qu’il y a des attributions à des demandeur·euse·squi ne constituaient pas le cœur de cible du logement considéré.

Empiriquement, nous nous attendons à ce que ces attributions « excentriques » se produisent avant tout lorsque la tension est faible et que l’on ne trouve pas de demandeur·euse·s identifié·e·s comme « cœur de cible ».

6.2 La probabilité d’attribution

L’appariement précédent conduit à représenter l’état de l’offre et de la demande de logements sociaux comme un réseau bipartite (2013) avec, d’un côté, des demandeur·euse·s et, de l’autre, des logements disponibles. L’appariement permet de construire les arêtes du réseau. Chaque arête correspond à une option posée par un demandeur pertinent pour un logement donné. Sur la période d’étude, on compte 3 124 869 demandes, 392 841 logements sociaux à attribuer et environ 450 millions d’arêtes.

La procédure consiste alors à accorder, pour chaque logement, la même chance d’attribution à chacune des demandes pertinentes. Si un logement fait l’objet de n demandes alors chaque demandeur a une probabilité de 1/n de se voir attribuer ce logement. Au final, chaque demande accumule des chances de se voir attribuer un des logements qu’il a demandés. Il reste alors à déduire de cet ensemble de probabilités la probabilité d’un demandeur d’obtenir un et un seul de ces logements (probabilité que l’on note Pr_i). Soit p_{ij} la probabilité du demandeur i d’obtenir le logement j, on calcule une probabilité « brute » au sens où l’on fait comme si les attributions étaient indépendantes.

Dans ce cas, on a pour un demandeur i face à une offre de n logements :

Pr_i=p_{i1}+(1-p_{i1}).p_{i2}+...+ \prod_{j=1}^{n-1}(1-p_{ij}).p_{in}

On fait comme si le demandeur parcourait successivement tous les logements, tant qu’il n’en obtient pas un, jusqu’à éventuellement tous les parcourir.

On notera que ce calcul ne dépend pas de l’ordre dans lequel les logements sont parcourus. Cette probabilité « brute » néglige toutefois les interdépendances entre les demandes. Ce n’est pas entièrement satisfaisant. On peut s’en rendre compte en comparant l’espérance de logements (soit, dans chaque commune, la somme des probabilités) avec le nombre effectif d’attribution sur la période.

On observe un décalage entre ce qui est prédit par les probabilités « brutes » et ce qui s’est passé. C’est pourquoi une procédure de correction a été ajoutée. Le problème de négliger l’interdépendance est que l’on ne distingue pas entre les cas où un logement est demandé par des demandeur·euse·s qui ont de nombreux « plans B » et un logement où les demandeur·euse·s, au contraire, misent tout sur ce logement. Or, dans le premier cas, on peut s’attendre à ce que certaines demandes « s’évaporent » car le demandeur a pris un des « plans B ».

La concurrence pour le logement est donc en réalité un peu plus faible que ce qui paraît au premier abord dans le premier cas, tandis qu’elle est aussi dure que prévue dans le second cas. Or, notre calcul de la probabilité « brute » nous dit quelque chose sur les chances qu’une partie de la concurrence s’évapore, ou pas. Nous allons donc nous servir de cette information pour calculer plus finement les probabilités d’attributions.

L’idée est simple : pour un logement x donné, on sait quelle est la probabilité d’un demandeur d’obtenir ce logement et la probabilité de ce même demandeur d’obtenir un autre logement social. On a donc une estimation de l’évaporation : c’est la probabilité qu’il obtienne cet autre logement avant le logement x.

En première approximation, nous considérons qu’il y a une chance sur deux que l’attribution alternative se produise avant l’attribution de x. Nous nous servons de cette information en considérant que le poids de la demande est diminué de cette probabilité d’évaporation, autrement dit :

poids_{ij} = 1-\frac{(Pr_i - 1/n_j)}{2}

avec les notations précédentes et n_j le nombre de demandeur·euse·sdu logement j. On se sert alors de ces poids pour recalculer les probabilités p_{ij} comme suit :

p_{ij} = \frac{1}{\sum_i{poids_{ij}}}

Ces nouvelles probabilités p_{ij} ont donc été légèrement réévaluées à la hausse, pour tenir compte de l’évaporation. A partir de là, il suffit d’appliquer à nouveau la formule précédente de composition des probabilités pour avoir un calcul plus fin de Pr_i .

On notera que, cette fois, l’espérance de logement calculée à partir de ces nouvelles valeurs de Pr_i est très proche du nombre effectif d’attribution.

Nous avons néanmoins procédé à un calage des valeurs pour que l’espérance soit égale à l’effective. Finalement, nous avons défini la tension comme l’opposé de la probabilité d’attribution, soit :

tension = 1-Pr_i

La carte suivante (Figure 7) présente la tension estimée par commune, évaluée à partir de la médiane des tensions des demandeur·euse·sde la commune considérée.

Figure 7. Carte de la tension par commune (évaluée à partir de la médiane des tensions des demandeur·euse·s de la commune considérée)

6.3 Le manque d’offre de logements disponibles explique en partie les difficulté d’accès …

Une fois calculé pour chaque demande, l’indicateur est introduit dans le modèle linéaire en classant les individus par quantile des 5% d’individus ayant le moins de chance théorique d’obtenir un logement aux 5% d’individus ayant, en théorie, le plus de chance.

La Figure 8 présente la probabilité d’attribution estimée par le modèle en fonction du niveau de tension estimé par notre indicateur. Le lien entre les deux variables est à la fois très significatif et très positif. Les contraintes d’offres de logements disponibles pèsent bien sur la probabilité d’attribution.

A contrario, plus l’offre de logements théoriquement disponible est élevée plus la probabilité d’attribution l’est également. Pour les 5% de demandes subissant la tension la plus élevée (à gauche sur la Figure 8), la probabilité moyenne estimée toutes choses égales par ailleurs (composition familiale, EPCI, motif, niveau de vie, mode de logement) est de 6.5%. Pour les 5% de demandes les « moins tendues » (à droite), cette probabilité moyenne estimée atteint 23%.

Figure 8. Probabilité d’attribution estimée selon le niveau de tension en quantile

6.4 … mais ne suffit pas à expliquer les difficultés d’accès

Notre objectif est de confirmer ou d’infirmer notre intuition selon laquelle la pénurie locale de logements abordables disponibles serait à même d’expliquer les difficultés d’accès des ménages les plus modestes au parc social. Pour ce faire, nous intégrons dans le modèle linéaire précédent notre indicateur de tension estimé (i.e. la probabilité « théorique » d’attribution) comme variable explicative de la probabilité d’attribution. Les résultats des deux régressions sont présentés dans le Tableau 2.

Tableau 2. Cœfficients estimés pour les modèles avec et sans tension
Characteristic Modèle sans tension Modèle avec tension
OR1,2 OR1,2

Niveau de vie en tranche



    
  • de 500€
    

500€-600€

1.33***
(0.012)

1.03**
(0.010)

    

600€-700€

1.56***
(0.014)

1.18***
(0.011)

    

700€-800€

1.60***
(0.015)

1.21***
(0.011)

    

800€-900€

1.56***
(0.014)

1.18***
(0.011)

    

900€-1000€

1.63***
(0.013)

1.28***
(0.011)

    

1000€-1100€

1.67***
(0.014)

1.40***
(0.012)

    

1100€-1200€

1.74***
(0.015)

1.56***
(0.014)

    

1200€-1400€

1.72***
(0.013)

1.71***
(0.013)

    

1400€-1600€

1.76***
(0.014)

1.81***
(0.014)

    

1600€-1800€

1.70***
(0.015)

1.86***
(0.016)

    

1800€-2000€

1.60***
(0.016)

1.85***
(0.019)

    

2000€ et +

1.45***
(0.013)

2.04***
(0.019)

Composition du ménage



    

Couples sans enfant

    

Couples avec 2 enfants

1.07***
(0.009)

1.31***
(0.011)

    

Couples avec 1 enfant

1.27***
(0.010)

1.08***
(0.009)

    

Couples avec 3 enfants

0.96***
(0.009)

1.17***
(0.012)

    

Couples avec 4 enfants ou plus

0.79***
(0.010)

1.07***
(0.013)

    

Personnes seules

0.81***
(0.005)

1.02***
(0.006)

    

Familles monoparentales avec 1 enfant

1.25***
(0.009)

1.08***
(0.008)

    

Familles monoparentales avec 2 enfants

1.15***
(0.009)

1.43***
(0.011)

    

Familles monoparentales avec 3 enfants

1.00
(0.010)

1.12***
(0.012)

    

Familles monoparentales avec 4 enfants ou plus

0.80***
(0.011)

0.94***
(0.013)

Motif de la demande



    

Autres

    

Difficultés financières

1.77***
(0.038)

1.80***
(0.039)

    

Logement inadapté

2.14***
(0.045)

2.16***
(0.046)

    

Logement indisponible

2.85***
(0.062)

2.92***
(0.063)

    

Logement insalubre

2.02***
(0.044)

2.05***
(0.045)

    

Motif familial

2.15***
(0.046)

2.13***
(0.045)

    

Motif professionnel

2.02***
(0.044)

2.03***
(0.045)

    

Non renseigné

2.13***
(0.045)

2.14***
(0.046)

    

Sans logement

0.82***
(0.019)

0.83***
(0.020)

    

Violence

2.96***
(0.069)

3.04***
(0.072)

Mode de logement actuel



    

Autres

    

Locataire HLM

0.36***
(0.004)

0.35***
(0.004)

    

Locataire Parc privé

0.84***
(0.004)

0.86***
(0.004)

    

Logé chez un tiers (parents ou autres

1.24***
(0.005)

1.26***
(0.006)

EPCI de la demande



    

Autres EPCI

    

Bordeaux Métropole

0.79***
(0.010)

0.82***
(0.010)

    

Eurométropole de Strasbourg

0.69***
(0.012)

0.76***
(0.013)

    

Métropole d’Aix-Marseille-Provence

0.52***
(0.006)

0.63***
(0.007)

    

Métropole de Lyon

0.54***
(0.006)

0.63***
(0.007)

    

Métropole du Grand Paris (hors PC et Paris)

0.49***
(0.003)

0.56***
(0.004)

    

Métropole Européenne de Lille

0.84***
(0.009)

0.87***
(0.009)

    

Métropole Nice Côte d’Azur

0.45***
(0.010)

0.59***
(0.013)

    

Métropole Rouen Normandie

1.56***
(0.021)

1.29***
(0.017)

    

Montpellier Méditerranée Métropole

0.58***
(0.011)

0.71***
(0.013)

    

Nantes Métropole

0.72***
(0.010)

0.76***
(0.011)

    

Paris

0.37***
(0.003)

0.46***
(0.005)

    

Plaine Commune

0.40***
(0.008)

0.51***
(0.010)

    

Rennes Métropole

0.91***
(0.015)

0.94***
(0.015)

    

Toulouse Métropole

0.97*
(0.012)

0.98
(0.012)

Null deviance = 2,581,273; Null df = 3,473,273; Log-likelihood = -1,244,116; AIC = 2,488,329; BIC = 2,488,955; Deviance = 2,488,233; Residual df = 3,473,226; No. Obs. = 3,473,274
1 *p<0.05; **p<0.01; ***p<0.001
2 OR = Odds Ratio

Cette intégration modifie sensiblement les résultats, preuve que l’indicateur est pertinent. Néanmoins, sa présence ne suffit à supprimer l’effet du niveau de vie dans le bas de la distribution comme le montre la Figure 9.

Même en « contrôlant » du flux de logements disponibles à la location et accessible aux ménages, les niveaux de vie les plus bas continuent d’avoir des probabilités d’attribution significativement plus faibles. Pire, la probabilité d’attribution estimée par le modèle devient globalement croissante avec le niveau de vie.

A composition familiale, motif, localisation, et niveau de tension équivalents, les demandeur.se.s déclarant un niveau de vie inférieur à 600 euros ont 8% de chances de se voir attribuer un logement social. Celles et ceux déclarant entre 600 et 900 euros ont eux 9% de chances. Après, la probabilité d’attribution a tendance à croître d’environ 1 point de pourcentage par tranche de 100 euros de niveau de vie.

Figure 9. Probabilité d’attribution moyenne estimée par tranche de niveau de vie

Ces résultats s’observent dans la plupart des EPCI (Figure 10). Néanmoins, à niveau de tension donné, l’effet du niveau de vie diffère sensiblement entre les territoires.

A titre d’exemple, dans la Métropole de Bordeaux, il semble exister deux paliers. Les demandeur·se·s au niveau de vie inférieur à 1 000 euros ont aux alentours de 8% de chance de se voir attribuer un logement soit 2 points de moins que ceux déclarant plus de 1 000 euros de niveau de vie. Dans les métropoles d’Aix-Marseille, de Lyon ou encore de Rennes, la probabilité d’attribution croit progressivement avec le niveau de vie.

Figure 10. Probabilité d’attribution moyenne estimée par tranche de niveau de vie et par EPCI

A cette étape, nous pouvons conclure à l’existence de difficultés particulières des ménages modestes à accéder au parc social. Difficulté que le manque d’offre abordable,adapté à la composition du ménage et à ses capacité financières et à sa recherche (motif, lieu), s’il est bien réel, ne suffit à expliquer. Pour un logement disponible à l’attribution, les ménages les plus pauvres ne sont non seulement pas « privilégiés » mais semblent même pénalisés.

Ces résultats sont en réalité peu étonnants. D’une part parce qu’ils ont déjà été en partie mis en évidence par des études antérieures ((Fondation Abbé Pierre, 2018)). D’autres part parce que dans le système d’attribution, le critère du niveau de vie des demandeur·se·s n’est au final que peu pris en compte. Pire, lorsqu’il l’est c’est le plus souvent dans le but d’exclure les plus modestes du fait de leur insolvabilité présumée ou de l’appréciation du risque d’insolvabilité. En outre, les ménages les plus pauvres sont le plus souvent mis en « concurrence » avec des ménages, moins pauvres, mais cumulant d’autres critères de précarité (voir verbatim des entretiens en Section 10).

Dès lors, la question de « l’interaction » entre les variables semble cruciale. Si « en moyenne », « toutes choses égales par ailleurs », les ménages les plus modestes connaissent des difficultés d’accès, nos résultats ne disent que peu de choses sur les interactions entre les variables. Il est ainsi possible que ces résultats soient le fait d’interaction très négatives entre le niveau de vie des ménages et d’autres variables impactant leur probabilité d’accès (motif de la demande, priorisation de celle ci, composition familiale, …).

Pour mettre en lumière ces possibles interactions, il convient de modéliser la probabilité d’attribution de façon plus « complexe ».

7 La nécessaire utilisation du machine learning

L’approche en machine learning avec (Chen et al., 2023) permet d’estimer le modèle logit avec les mêmes variables mais dans une approche non-paramétrique. Au lieu d’un cœfficient moyen par variable, on a une partition du domaine de chaque variable et une estimation d’un paramètre pour chaque combinaison de toutes ces partitions.

L’algorithme détermine une partition globale parcimonieuse (pas trop de catégories) et pertinente (les catégories améliorent l’ajustement). L’approche non linéaire permet de mettre en évidence les interactions entre variables et de révéler des effets marginaux « ignorés » par l’approche linéaire. Elle permet également d’intégrer plus de variables explicatives à notre modèle.

De plus, l’algorithme XGBoost est utilisé en introduisant une régularisation, afin de limiter le sur ajustement et en procédant à un rééchantillonage et une estimation sur de nombreux échantillon. Cette approche de bootstrap à la Efron (Efron et Tibshirani, 1993) permet à la fois de compenser le sur-ajustement (par un vote médian des estimateurs sur les échantillons) et d’évaluer des intervalles de confiance pour les prédicteurs retenus.

Nous construisons un modèle prédisant la probabilité d’attribution en fonction du niveau de vie, du fait d’être ou non en couple, du nombre d’enfant(s), du fait d’être en garde partagée ou non, de demander un logement dans sa commune actuelle de résidence, d’être ou non déclaré « prioritaire », du statut vis à vis à vis de l’emploi, de la tension localisée, de l’EPCI ou encore du mode de logement actuel. Ces variables sont celles ayant le plus fort pouvoir explicatif sur notre variable d’intérêt.

Les résultats généraux confirment ceux issus du modèle linéaire. La Figure 11 présente les résultats pour l’ensemble des variables explicatives en représentant les effets marginaux moyens de chacune des variables sur la variable d’intérêt6. Ce diagramme est donc l’équivalent des cœfficients estimés dans une régression logistique mais substitue à chaque cœfficient une courbe.

6 Nous présentons ici les effets marginaux moyens locaux (ALE), c’est-à-dire les effets marginaux le long de la distribution jointe des co-facteurs.

Déclarer un niveau de vie inférieur à 800 euros par unité de consommation réduit significativement la probabilité de se voir attribuer un logement tout comme appartenir à un centile de tension élevé. En moyenne, demander un logement dans sa commune de résidence actuelle accroît la probabilité d’attribution. En moyenne, le fait de résider déjà dans le parc social réduit la probabilité d’attribution. Par contre le fait d’être déclarer « prioritaire » augmente de 10 points cette probabilité.

Figure 11. Impact des variables explicatives sur la chance d’attribution

8 Des interactions entre les caractéristiques

La modélisation proposée permet également de mettre en évidence les effets des interactions entre certaines variables du modèle et le niveau de vie des ménages. La Figure 12 présente ces principaux effets.

Concernant le niveau de tension, son impact apparaît relativement homogène selon les différents niveaux de vie : les écarts n’apparaissent pas significatifs.

Les effets du mode de logement actuel sont significativement différents selon le niveau de vie considéré. Dans le bas de la distribution des niveaux de vie, les locataires semblent plutôt privilégiés par rapport aux autres statuts d’occupation. A contrario, les demandeur·se·s logé·e·s chez des tiers sont pénalisé·e·s en deçà de 1 000 euros de niveau de vie, toutes autres caractéristiques égales par ailleurs.

La priorisation de la demande joue positivement pour les ménages déclarant moins de 800 euros de niveau de vie tout comme le fait de demander un logement dans sa commune de résidence. En outre les ménages les plus jeunes apparaissent pénalisés lorsqu’ils déclarent des revenus faibles tout comme les demandeur·se·s de nationalités extérieures à l’Union Européenne.

Figure 12. Effet croisé du niveau de vie et de …

9 L’approche par cas type

S’il est possible de représenter aisément l’interaction entre 2 variables du modèle, il est plus complexe de rendre compte de l’ensemble des interactions de celui-ci. Pour se faire, nous construisons un certain nombre de cas-type combinant l’ensemble des variables du modèle. Pour chacun de ces cas-type, il est possible d’estimer le niveau de tension qu’il subit à l’échelle des EPCI (probabilité théorique d’attribution) ainsi que sa probabilité de se voir attribuer un logement (probabilité effective d’attribution).

Il est possible de comparer ces deux probabilités entres elles sous la forme par exemple d’odd ratio c’est-à-dire sous la forme de rapport de probabilité. Pour un cas type donné et dans un EPCI donné, un odd ratio supérieur à 1 signifie que le cas type en question a significativement plus de chance de se voir attribuer un logement social que ce que pourrait laisser penser le niveau de tension de local. Autrement dit, il est plutôt favorisé dans la procédure de désignation.

A contrario, un rapport de chance inférieur à 1 signifie que sa probabilité d’accès effective au parc social est inférieure à sa probabilité théorique. Il est donc discriminé dans son accès.

La combinaison des principales valeurs (celles qui ne sont pas des sous cas trop peu nombreux) avec les localisations fines et les différents niveau de vie possible conduit au calcul d’une centaine de millions de cas.

Cette information très riche peut alors être synthétisée dans des tableaux et des graphiques et est présentée dans une application interactive permettant de relater nos différents résultats (xgblogsoc). Celle ci fournit les informations sous 4 formes différentes :

  • Le premier onglet (« Attribution ») présente sous forme graphique, par EPCI, les probabilités théoriques et effectives d’attribution selon le niveau de vie. Il fournit également pour 2 niveaux de vie (500 euros et 1200 euros) les probabilités estimées ainsi que les intervalles de confiance associés.

  • Le deuxième onglet (« Contribution ») présente sous forme graphique, par EPCI, la contribution des différentes variables du modèle à la probabilité d’attribution. Il fournit également pour 2 niveaux de vie (500 euros et 1200 euros) les contributions respectivement du niveau de vie et du niveau de tension ainsi que les intervalles de confiance associés.

  • Le troisième onglet (« Odd ratio (carte) ») présente, sous forme de cartes et pour les 100 EPCI comptant le plus de demandeur.se.s, le rapport de chance (l’Odd ratio) entre probabilité effective et probabilité théorique (voir supra) ainsi que les résultats de l’onglet « Attribution » pour chaque EPCI.

  • Le quatrième onglet (« Attribution (carte) ») présente lui les probabilités effectives d’attribution pour les 100 EPCI comptant le plus de demandeur.se.s.

Afin de faciliter une bonne compréhension des résultats, détaillons rapidement ceux d’un cas type : une famille monoparentale de 40 ans avec 1 enfant, en CDI, non prioritaire, de nationalité française, et éprouvant des difficultés financière en étant logé dans le parc privé au sein de la commune demandée.

Dans l’ensemble des EPCI étudiés, cette demande a une probabilité effective d’attribution inférieure à sa probabilité théorique et ce quelque soit le niveau de vie considéré (i.e. la courbe pointillée est significativement au dessus de la courbe pleine).

En théorie, à Paris, pour un niveau de vie de 1 200 euros par mois et par unité de consommation (soit 1 800 euros de ressources mensuelles dans le cas présent), cette demande a 9.9% de chance d’aboutir à une attribution. Dans les faits, notre modèle estime que la probabilité effective est de 4.6%.

Pour un niveau de vie de 500 euros (soit 750 euros de ressources mensuelles), la probabilité effective chute à 1.4% alors que la probabilité théorique s’établit elle à 7.7%. Pour le cas type présenté, ces résultats se traduisent par des odds ratio très différents selon le niveau de vie considéré (voir Onglet « Odd ratio (carte) »).

A 500 euros de niveau de vie, le rapport de chance entre les probabilités effectives et théoriques est de 0.17. A 1200 euros de niveau de vie il s’établit à 0.44. Si ce cas type apparait pénalisé lors de l’attribution il l’est d’autant plus lorsque son niveau de vie est plus faible. Les cartes générées permettent une comparaison facilitée des EPCI entre elles.

L’examen des contributions permet de comprendre quels sont les facteurs qui ont joué en faveur ou en défaveur d’une attribution pour ce cas-type. Ainsi, à Paris, les demandeur·e·s ayant un niveau de vie de 500 euros ont des chances réduites d’accéder à un logement social en raison, essentiellement, de leur faible niveau de vie, du fait de ne pas être reconnu comme prioritaire (DALO, L.441) et, enfin, du fait du contexte très tendue de l’offre. Les demandeur·e·s ayant un niveau de vie de 1200 euros ne sont pas pénalisés pour leur niveau de vie. Leurs chances sont réduites avant tout en raison d’une offre tendue (quoique dans une moindre mesure que pour le cas précédent), du fait également de ne pas être jugé prioritaire et du fait d’une spécificité parisienne, qui tient probablement à l’intervention de nombreux réservataires et conduit à limiter encore plus l’offre pour les demandeur·e·s non prioritaires. En revanche, le fait d’être mono-parent semble plutôt jouer en faveur d’une attribution.

Considérons maintenant un EPCI très détendu comme celui de la métropole de Rouen-Normandie. Comme on peut le constater, quel que soit le niveau de vie, la tension joue cette fois en faveur d’une attribution et le fait de ne pas être prioritaire est à peine un handicap. Les demandeur·e·s ayant un niveau de vie de 500 euros sont toujours, néanmoins, pénalisés en raison de ce niveau de vie tandis que ceux qui ont un niveau de vie de 1200 euros obtiennent plutôt un léger bonus en raison de ce niveau de vie.

Prenons un autre cas, celui d’un célibataire de 30 ans, sans enfant, prioritaire, au motif que son logement est inadapté, en CDI, et logeant dans le parc privé dans la même commune. On constate que le fait d’être prioritaire est toujours pris en compte favorablement, même si l’avantage que cela procure n’est pas aussi important partout. Il est en général plus décisif au sein des EPCI tendus.

L’outil permet également de comparer les cas type entre eux et de faire apparaître des interactions entre variables. Nous l’avons vu, le caractère prioritaire ou non de la demande est un critère prégnant dans la probabilité d’attribution. Afin de mettre ces effets en lumière il est possible de considérer un cas type aux même caractéristiques que celles précitées mais dont la demande a été jugée prioritaire.

Cela ne modifie en rien les résultats obtenus en termes de probabilités théoriques, prioritaires ou non les demandeur.se.s ont en théorie accès aux mêmes logements. En revanche, les probabilités effectives sont largement modifiées.

Pour reprendre l’exemple de Paris, la priorisation semble « lisser » l’effet du niveau de vie : les probabilités effectives d’attribution sont identiques à 500 euros et 1200 euros de niveau de vie.

Sur certains territoires comme la Métropole de Nice par exemple, la priorisation permet au demande à niveau de vie les plus faible d’enregistrer une probabilité effective supérieure à la probabilité théorique (courbe pleine au dessus de la courbe pointillée). Alors qu’en théorie, dans la Métropole de Nice, notre cas type prioritaire aurait 11% de chance de se voir attribuer un logement s’il déclare un niveau de vie de 500 euros, on estime que sa probabilité effective est de 25%.

La richesse de l’analyse rend complexe la description de l’ensemble des résultats produits. Néanmoins de grandes tendances semblent émerger :

  • Globalement, quelques soient le niveau de tension locale et les autres caractéristiques des ménages, lorsqu’ils ne sont pas prioritaires, les ménages à faibles ressources sont pénalisées dans le système d’attribution par rapport aux ménages plus riches (ou moins pauvres).

  • La priorisation de la demande permet dans la plupart des territoires de compenser, en partie, cet effet négatif du niveau de vie.

  • Les niveaux de tension diffèrent énormément entre territoires : à 500 euros de niveau de vie le cas type décrit a en théorie 3 fois plus de chance de se voir attribuer un logement s’il dépose sa demande dans la Métropole de Toulouse plutôt que dans celle d’Aix-Marseille.

  • Les probabilités effectives d’attribution diffèrent également beaucoup selon les territoires considérés : nous estimons qu’à 500 euros de niveau de vie, le cas type décrit a 5 fois plus de chance de se voir attribuer un logement social dans la Métropole de Rouen que dans l’EPCI Paris-Est-Marne et bois par exemple.

  • Les rapports de chance diffèrent sensiblement à la fois en fonction du niveau de vie et des territoires considérés : pour notre cas type nous estimons un rapport de chance de 0.17 à Paris pour un niveau de vie de 500 euros et de 0.44 pour un niveau de vie à 1200 euros. Ces odds ratio sont respectivement de 0.31 et 0.82 à Béziers.

10 Quels retours de acteurs locaux ?

Afin de mieux appréhender les enjeux locaux et comprendre les mécaniques à l’œuvre lors des attributions, nous avons fait le choix de mener un certain nombre d’entretiens avec des acteurs de terrains (réservataires ou bailleurs). Ces entretiens visent à éclairer les résultats statistiques mis en lumière précédemment ainsi que faciliter leur interprétation. Les territoires et interlocuteur.rice.s choisi.e.s l’ont été sur la base des entretiens menés par Pauline Portefaix dans le cadre du rapport inter associatif déjà cité.

Pour ce rapport, nous avons mené 6 entretiens pour un total d’une vingtaine de personnes interrogées :

  • Agglomération de Lyon 

  • Bailleurs sociaux : Grand Lyon Habitat, Office Public de l’Habitat (OPH) qui possède le parc le plus important sur la ville de Lyon avec plus de 26 000 logements sociaux en gestion et Lyon Métropole Habitat, Office Public de l’Habitat (OPH) qui possède le parc le plus important sur l’agglomération lyonnaise avec 32 650 logements sociaux dans cinquante-sept communes.

  • Réservataires : La métropole de Lyon ou Grand Lyon, collectivité territoriale qui exerce à la fois les compétences d’un département et celles d’une métropole, pour les cinquante-neuf communes.

  • Agglomération de Rennes

  • Réservataires : Métropole de Rennes, collectivité territoriale qui exerce à la fois les compétences d’un département et celles d’une métropole

  • Agglomération de Paris

  • Bailleurs sociaux : Paris habitat, Office Public de l’Habitat (OPH), présent dans 54 communes, à Paris et dans sa métropole, le groupe Paris Habitat loge plus de 281 100 habitants et gère un patrimoine de plus de 125 800 logements (logeant ainsi 1 Parisien sur 9).

  • Réservataires : la Direction du Logement et de l’Habitat de la ville de Paris, en charge de l’ensemble des actions menées par la ville de Paris dans le domaine du logement et responsable de la désignation des candidats sur le contingent de la mairie centrale de la ville

  • Plaine Commune

  • Bailleurs sociaux : Plaine Commune habitat, Office Public de l’Habitat (OPH) créée en 2005. Aujourd’hui, l’Office public gère un parc de plus de 20 000 logements répartis sur 8 communes : Saint-Denis, Villetaneuse, Pierrefitte-sur-Seine, L’Ile Saint-Denis, La Courneuve, Epinay-sur-Seine, Aubervilliers et Stains. L’organisme loge, ainsi, 1 habitant sur 7 sur l’ensemble de l’Agglomération Plaine Commune dont 1 habitant sur 3 sur la ville de Saint-Denis.

  • Réservataires : l’établissement public territorial (EPT) Plaine Commune, structure intercommunale crée en 2016 et située dans le département de la Seine-Saint-Denis. L’EPT comprend neuf communes à savoir Aubervilliers, La Courneuve, Epinay-sur-Seine, L’île-Saint-Denis, Pierrefitte-sur-Seine, Saint- Denis, Saint-Ouen-sur-Seine, Stains et Villetaneuse. L’EPT pilote La Conférence Intercommunale du Logement (CIL) qui a pour objectif de définir la politique intercommunale d’attribution de logements au sein du parc locatif social, de développer la mixité sociale, de favoriser la coopération entre les bailleurs et les réservataires, et d’améliorer la transparence du dispositif pour les demandeur·e·s.

Une fois présentés les résultats préliminaires du rapport, les échanges ont porté sur les données mobilisées et les pratiques locales. Nous regroupons par la suite le contenu de ces échanges par grandes thématiques.

10.1 Les limites du SNE …

Un consensus global a émané de l’ensemble des entretiens quant aux limites du SNE. D’une part, les acteurs et actrices du logement interrogé.e.s ont tous insisté sur le fait que les informations contenues dans le SNE étaient pour la plupart purement déclaratives. Dès lors, les erreurs ou les omissions peuvent être nombreuses. Il est ainsi plus que probable que certains ménages aux niveaux de vie très faible (inférieur au RSA) soit le fruit d’erreur de déclaration ou que, plus globalement, il existe à biais déclaratif concernant les revenus (corrigés ex post par les acteurs ou actrices au moment de la commission d’attribution). La complexité de l’inscription et de la mise à jour des informations a également été pointée, expliquant potentiellement la part importante de demande non renouvelées, observées dans le SNE, complexité qui est à même d’impacter plus spécifiquement les ménages les plus fragiles.

En outre, des doublons, très difficilement identifiables, peuvent persister malgré la mise en place du numéro unique de la demande en 2011. Ainsi, par exemple, il est possible, cela nous a été confirmé, que des demandeur.se.s ayant omis de renouveler leur demande soient réinscrit avec un nouveau numéro de demande et un nouveau numéro unique alors que leurs caractéristiques n’ont pas évolué. Dès lors nous observons plusieurs fois un même ménage sans le savoir. De même, lorsque plusieurs membres d’un même foyer dépose une demande nous ne sommes pas en capacité de le savoir. Si cette pratique est en théorie rare elle est parfois observée notamment dans le cas d’une mise en couple par exemple. Il est de même possible, malgré la mise en place du numéro unique, que des demandeur.se.s continuent de déposer des demandes lorsque par exemple ils ou elles souhaitent accéder au logement dans différentes villes.

De surcroît, les responsables interrogés ont pointé du doigt le fait qu’il pouvait exister une forte hétérogénéité dans le profil des demandeur·e·s inscrit·e·s au SNE, notamment avant la mise en place de la loi ALUR en 2014. A titre d’exemple, la métropole de Rennes citait les ménages à droits incomplets, un temps inscrits au SNE afin qu’ils puissent « capitaliser » leur durée d’attente. Cette pratique n’étant pas partagée par l’ensemble des collectivités, la comparaison entre territoires peut être perturbée.

Enfin, une autre limite du SNE a été mise en exergue par Paris habitat : l’existence, au sein des attributions, de ménages ayant obtenu un logement n’entrant pas tout à fait dans le champs du logement social et notamment des logements dits « intermédiaires » accordés par Action Logement. Ces logements, et les ménages qui y prétendent, ne peuvent être identifiés clairement dans les données mobilisées et constituent donc de potentiels doublons. En outre, ces phénomènes peuvent avoir tendance à augmenter légèrement les probabilités que nous estimons pour les ménages les mieux dotés d’accéder au logement social.

Outre les limites précitées, nous observons pour certain.e.s demandeur.se.s des durées d’attente extrêmement courtes. Les métropoles lyonnaises et parisiennes avancent plusieurs éléments pouvant expliquer ces temps d’attente en apparence très courts. D’une part, il semblerait que certain.e.s demandeur.se.s DALO soient désigné.e.s à l’attribution une fois leur demande expirée (i.e. non renouvelée). Dès lors, leur demande est alors « réactivée » pour l’attribution. Ce phénomène est à même d’expliquer les durées très courtes observées notamment pour certains ménages aux niveaux de vie très faibles. C’est également le cas des Accords collectifs départementaux, filière de priorisation des publics « prioritaires » qui visent à « accélérer » l’accès des ménages les plus fragiles. Pour les ménages moins précaires, les attributions réalisées au titre d’Action Logement sont à même d’être réalisées relativement rapidement.

L’existence de ces mécanismes, et des limites décrites précédemment, rend complexe l’interprétation des durées d’attente observées dans le SNE. C’est en partie pourquoi cette analyse a été réalisée en parallèle de cette étude.

Malgré les limites pointées des données du SNE, nous avons procédé à l’exploitation des durées de demande recensées dans le SNE, identifiées par un numéro de demande et dont l’issu peut être une attribution ou bien un abandon ou non renouvellement. Nous exploitons ainsi toutes les demandes ayant été introduites à partir de janvier 2020. Pour celles ci, trois cas de figure se présentent : les demandes aboutissent à l’issue d’une certaine durée, les demandes sont toujours en cours, ou alors les demandes n’ont pas été satisfaites et ont été interrompues (pour des motifs d’abandon, de non renouvellement,…)

Ces deux derniers cas de figure sont considérées et traités comme des données « censurées », c’est à dire des demandes pour lesquelles une attribution de logement, évènement hypothétique, ne pourrait survenir qu’au-delà de la dernière ancienneté recensée, sans que l’on sache le moment exact, ni même si cela peut arriver un jour.

L’analyse de durées mobilise des modèles économétriques où la durée avant l’attribution d’un logement est « expliquée » selon une analyse « toutes choses égales par ailleurs ». Elle présente l’avantage d’évaluer la dépendance des taux d’attribution vis-à-vis des mois écoulés d’attente depuis le début de la demande. On retient ici les modèles à risques proportionnels exponentiel par morceaux qui proposent une flexibilité intéressante dans la manière dont les taux d’attribution évoluent avec l’ancienneté. Pour mettre en évidence des mécanismes spécifiques dans le traitement des demandes selon les niveaux de revenu, ces modèles ont été estimés sur chaque tranche de niveau de vie.

Les taux d’attribution progressent les tous premiers mois puis décroissent après les 4 premiers mois continûment avant un sursaut autour d’un an d’ancienneté de la demande et ce pour l’ensemble des tranches de niveau de vie (Figure 4). Il y a donc un mécanisme d’attribution profitant prioritairement aux nouvelles demandes : tout se passe comme si les nouvelles demandes qui arrivent au fil de l’eau évinçaient les demandes plus anciennes. Autrement dit, en moyenne, il n’y a pas de prime donnée à la file d’attente tout au moins au cours de la première année.

Une autre interprétation de cet effet croissant au cours des tous premiers mois pourraient provenir d’un effet de tri et de sélection issu d’un mécanisme attribuant un logement aux « meilleurs » dossiers, identifiés dès le départ comme étant les plus prioritaires – il est d’ailleurs possible qu’il s’agisse en fait d’anciennes demandes « réactivées » et réintroduites comme une « nouvelle demande ». Finalement le sursaut des taux observés après un an d’ancienneté pourrait lui provenir des mécanismes de cotation où l’ancienneté de la demande peut au-delà d’une certaine période devenir un critère important. C’est néanmoins difficile de le confirmer.

Figure 13. Probabilité d’attribution moyenne estimée par tranche de niveau de vie

Si les taux d’attribution pour les plus pauvres (moins de 500 euros) sont au départ au dessus des autres au cours des tous premiers mois, l’évolution de leurs taux les relèguent très vite et radicalement dans les derniers rangs après 4 mois d’ancienneté. En revanche, la tranche juste au dessus (celle des 500 à 700 euros) montre des taux d’attribution dominer les taux des autres niveaux de vie.

Tableau 3. Durée estimée moyenne de la demande de logement avant une attribution (en mois)
P.1_Sans tension P.2_Sans tension P.3_Sans tension P.1_Tension moyenne P.2_Tension moyenne P.3_Tension moyenne P.1_Tension forte P.2_Tension forte P.3_Tension forte
Moins de 500€ 19 34 28 27 41 36 44 52 49
Entre 500€ et 700€ 10 22 22 21 36 36 37 48 48
Entre 700€ et 1000€ 13 20 26 26 35 40 39 46 49
Entre 1000€ et 1150€ 17 18 20 33 34 36 50 50 51
Entre 1150€ et 1500€ 17 19 18 33 35 34 48 49 49
Entre 1500€ et 2000€ 16 18 17 30 32 32 42 44 44
Entre 2000€ et 2400€ 21 22 18 37 38 33 46 46 43
Plus de 2400€ 23 21 23 37 35 37 49 48 49

L’estimation des durées moyennes pour différents profils individuels selon différents niveaux de vie et dans différentes situations de tension montre des niveaux élevés de temps d’attente avant que la demande puisse être satisfaite. Nous isolons ici 3 profils :

  • profil 1 : Famille monoparentale avec 3 enfants, déjà assisté dans son logement actuel, la personne demandeuse étant une femme, inactive. Sa demande est motivée par une absence de logement, et sollicite un T5 ou plus

  • profil 2 : Couple avec 2 enfants, habitant en HLM, la personne demandeuse étant un homme, exerçant un emploi indépendant ou étant en CDD. Le motif de la demande est qu’il occupe un logement trop petit, et sollicite un T4.

  • profil 3 : Couple sans enfant, habitant en logement privé, la personne demandeuse étant un homme, exerçant un emploi en CDI. Le motif de la demande est pour raisons professionnelles, et sollicite un T3.

Pour le profil 1 la durée moyenne la plus faible est de 10 mois et estimée dans la zone où la tension est la plus faible. Pour les deux autres profils en conservant la même configuration d’offre la plus favorable, on trouve même des prédictions de temps d’attente qui atteignent 1,5 ans au mieux dans selon des niveaux de vie échelonnés entre 1000 et 2000 euros.

Insistons sur le fait qu’il s’agit bien de temps d’attente prédites, calculées en moyenne pour les demandeur·euse·s. Le niveau élevé de ces durées est dû à la fois aux taux de base par mois très faibles et décroissants et au fait que – dans les données du moins - au-delà de 14 mois, si les demandes n’ont jusque là pas aboutie, on observe à la fois un très grand nombre de demandes se terminant entre le 14ème et le 16ème mois pour motif d’abandon (ces données sont alors « traitées » dans la modélisation comme des données « censurées ») et une baisse très nette d’attributions pour les demandes les plus anciennes.

Les principaux résultats de l’étude sont retrouvés ici avec notamment l’importance des configurations familiales ou encore du nombre d’enfants à charge. Les effets de ces facteurs néanmoins ne jouent pas forcément de la même façon selon les niveaux de revenu – rappelons que ces modèles et les prédictions qui en sont issues ont fait l’objet d’une estimation séparée pour chaque tranche de niveau de vie.

Les résultats confirment le rôle des conditions de marché dans les chances de réussite de la demande de logement: la dégradation de ces dernières – avec des offres de logement disponibles insuffisantes créant une tension d’autant plus importante sur le marché du logement social – accroissent fortement les durées moyennes d’attente, autour de 3 ans sur un marché moyennement tendu, et 4 ans ou plus dans les situations les plus tendues. Cela nivelle de fait les différences de prédictions de ces durées selon les niveaux de vie (et même selon les profils individuels).

10.2 La cotation pour favoriser l’accès des ménages les plus modestes ?

Afin d’objectiver les critères de sélection de demandeur.se.s pour leur présentation ou non en Commission d’attribution de Logement, un certain nombre de collectivité ont recours à la cotation. Parmi les territoires interrogés, la métropole de Rennes et la Ville de Paris pratiquaient déjà une cotation de la demande sur la période étudiée. Plaine Commune l’a quant à elle mise en place en avril 2023.

Selon nos interlocutrices, à Rennes, elle se fait en fonction de critères économiques (prend en compte les ménages les plus pauvres) et sociaux (absence de logement). Ce qui priorise le plus c’est l’absence de logement. Depuis la création de la cotation, les critères économiques ont été modifiés afin de redonner un peu de poids aux revenus salariaux et donc privilégier les travailleur.se.s. Le rôle de l’ancienneté de la demande est également prépondérant. Au delà d’une durée jugée « anormalement longue » (30 mois pour Rennes) les ménages n’ayant pas eu de proposition voient leur nombre de points significativement augmentée. De fait, si la « hiérarchisation de la demande » à l’œuvre dans le métropole de Rennes permet dans un premier temps de prioriser les ménages les plus fragiles, elle privilégie aussi, à termes, des ménages, plus aisés, présents depuis longtemps dans la file d’attente.

Concernant Paris Habitat, le bailleur ne hiérarchise pas la demande au moment du dépôt, du fait du nombre trop important de demandeur.euse.s. Deuxièmement, le poids de la durée d’attente dans la cotation est marginal dans la cotation. D’une part elle « rapporte » très peu de points mais surtout n’en procure qu’à partir du moment où la demande est présente dans le SNE depuis plus de 5 ans (deux fois la durée « anormalement longue » de la Métropole de Rennes). L’une des raisons énoncées par le bailleur interrogé est l’existence de situation « d’optimisation » de la part de certain.e.s demandeur.se.s, citant comme exemple « un nombre conséquent de demandeur.euse.s font leur demande à 18 ans en espérant en obtenir un logement social à 28 ans ». Si la cotation parisienne regroupe un nombre important de critères, ceux spécifiquement liés aux revenus sont peu nombreux et leur poids reste faible rapporté au nombre global de points « disponibles ». A titre purement illustratif, sur les plus de 200 points « potentiels » attribués par la cotation parisien, moins de 20 points peuvent l’être au titre d’un critère purement économique (taux d’effort élevé et reste à vivre faible). La cotation parisienne illustre clairement les mécanismes de « concurrence » entre les différentes demandes. Toutes choses égales par ailleurs, un ménage ayant un reste pour vivre inférieur à 7 euros par jour et par personne compte un nombre de points identiques à un ménage ayant un reste pour vivre compris entre 10 et 15 euros mais habitant aujourd’hui à Paris, y travaillant et attendant un logement social depuis plus de 12 à 15 ans…

Cette situation n’est évidemment pas propre à la capitale et ne vise pas à remettre en cause le principe d’une hiérarchisation de la demande, d’autant plus dans un contexte tendu ou une filière « spécifique » pour les plus fragiles existe. Elle illustre néanmoins le faible poids des critères purement économiques dans le processus d’attribution de la filière « générale ». Cette assertion étant bien évidemment à relaviser puisque les autres critères de cotations peuvent être très liés au niveau de vie des ménages (sur-occupation, situation de logement, …). En outre, selon les acteurs et actrices rencontré·e·s, la généralisation de la cotation soulève un certain nombre d’interrogation : comment harmoniser les pratiques entre les acteurs pour apprécier la solvabilisation des ménages (calcul du reste à vivre et niveau du taux d’effort) ? comment rendre plus transparents le processus d’attribution en cale qui parfois ne reflète pas la priorisation de la demande réalisée en amont ? (voir Bourgeois (2017))

10.3 Des demandeur·se·s pauvres « victimes » de la mixité sociale ?

Les entretiens menés nous ont éclairé sur un autre critère prégnant lors des attributions : la mixité sociale. Celle-ci, parfois objectif politique local assumé, parfois réalisée sous les injections législatives ou réglementaires, s’opère par différents biais.

Sur certains territoires où les ménages les plus précaires sont sur-représentés, la tentation est forte de privilégier des ménages moins fragiles (voir Kirszbaum (2008)). Certains acteurs rencontrés mentionnent ainsi une « tentative de diversifier le peuplement lié à un territoire fragile ». Pour Plaine Commune Habitat, ce sont ainsi seulement 20% des attributions qui sont réalisées, en quartiers prioritaires, aux ménages du premier quartile de niveau de vie. Ces choix politiques sont à mettre au regard de la situation locale. Sur le territoire de Plaine Commune, le revenu médian atteint la moitié du revenu médian de la ville de Paris. De ce fait, les importantes restructurations du parc existant, notamment en lien avec l’ANRU et la lutte contre l’habitat indigne, ainsi que la rotation interne au parc social, ont pour principaux bénéficiaires les ménages les plus fragiles, déjà présent dans le parc social. Dès lors, la politique de « diversification » du peuplement ne peut s’opérer que sur les nouveaux entrant et les attributions hors parc social. Dans un contexte de production contrainte et de sorties du parc social peu nombreuses, cela se traduit par des taux d’accès au parc social plus faible pour les ménages les plus pauvres.

Pour la ville de Paris et les métropole de Rennes et de Lyon, la volonté de garder un parc social à destination des « classes moyennes » ou des « travailleurs essentiels » a été réaffirmée. Cette volonté politique de poursuivre l’un des objectifs du modèle de logement social « à la française », la mixité sociale et la lutte contre la ségrégation urbaine, ne peut être que saluée. Néanmoins, il est évident que dans un contexte où l’offre de logements sociaux est contrainte, cette volonté se traduit là encore par un accès au logement plus restreint des ménages les plus modestes.

Références

(2013). « Bipartite Graph », dans Springer US, p. 126‑126.
Ancols (2022). « L’adequation entre l’offre et la demande de logement social en France métropolitaine ».
Bonnal L., Boumahdi R., Favard P. (2012). « Les déterminants de la durée d’accès à un logement social », Revue économique, Vol. 63, n° 4, p. 721‑741.
Bourgeois (2017). « Tris et sélections des populations dans le logement social : une ethnographie comparée de trois villes françaises »,.
Chen T., He T., Benesty M., Khotilovich V., Tang Y., Cho H., Chen K., Mitchell R., Cano I., Zhou T., Li M., Xie J., Lin M., Geng Y., Li Y., Yuan J. (2023). « xgboost: Extreme Gradient Boosting »,.
Cour des Comptes (2017). « Le logement social face au defi de l’acces des publics modestes et defavorises ».
Efron B., Tibshirani R.J. (1993). An Introduction to the Bootstrap, Springer US.
Fondation Abbé Pierre (2018). « 23e rapport sur l’etat du mal-logement en France ».
Houard (2010). « Droit au logement et mixité.Les contradictions du logement social »,.
Kirszbaum (2008). « Rénovation urbaine, une mixité très peu sociale »,.
Portefaix et al. (2020). « Les difficultés d’accès au parc social des ménages à faibles ressources ».

Réutilisation

Citation

BibTeX
@misc{madec2023,
  author = {Madec, Pierre and Parodi, Maxime and Timbeau, Xavier and
    Joutard, Xavier and Portefaix, Pauline and Aubisse, Edgar},
  title = {Quelles difficultés d’accès des ménages les plus pauvres au
    parc social\,?},
  date = {2023-06-27},
  url = {https://ofce.github.io/logsoc},
  langid = {fr},
  abstract = {À partir de l’exploitation d’une version inédite des
    données du Système national d’enregistrement de la demande (SNE), et
    de techniques économétriques avancées basées sur le machine learning
    et le ré-échantillonnage, une reconstruction de l’offre disponible a
    été réalisée, afin de qualifier et de quantifier l’impact du niveau
    de ressources des ménages sur leur probabilité d’accéder au parc
    social. L’analyse des taux d’attribution par tranches de niveau de
    vie confirme les difficultés d’accès des ménages les plus pauvres.
    Si les demandeuses et demandeurs les plus pauvres ont accès à un
    parc de logements plus réduit, notamment en zones tendues, cela ne
    suffit pas à expliquer leur plus faible probabilité d’attribution
    par rapport à l’ensemble des demandeurˑseˑs. Une fois contrôlées
    l’offre disponible mais aussi les caractéristiques des ménages
    (composition familiale, motif de la demande, priorisation du
    dossier, nombre d’enfants, nationalité, statut vis à vis de
    l’emploi, localisation de la demande…), les chances d’obtenir un
    logement social augmentent avec le niveau de vie dans la plupart des
    EPCI.}
}
Veuillez citer ce travail comme suit :
Madec P., Parodi M., Timbeau X., Joutard X., Portefaix P., Aubisse E. (2023). « Quelles difficultés d’accès des ménages les plus pauvres au parc social ? », Document de travail de l’OFCE n°2023-16.